Dans l’interview accordée au podcast Cabin Fever par Offset Outing Club, revient sur l’aventure Light Phone avec une sincérité rare. Skateboarder, artiste et designer de formation, il partage sa vision d’un téléphone pensé pour se faire oublier, et d’une technologie enfin alignée avec nos vies plutôt que nos agendas surchargés.
Une intuition née d’un ras-le-bol numérique
En 2014, Joe participe à un incubateur de Google dédié aux designers. L’idée posée sur la table : « Et si les designers créaient des entreprises, plutôt que de venir “habiller” des produits déjà définis par les ingénieurs et les business plans ? » Très vite, lui et son associé Kaiwei Tang s’interrogent sur une obsession partagée par toutes les startups de la Silicon Valley : le retention time. Ce temps que vous passez scotché à une interface, qu’elle vous serve ou vous vampirise.
À rebours total de cette logique, ils conçoivent le Light Phone comme un outil de déconnexion intentionnelle. Non pas pour tout plaquer et vivre dans une cabane, mais pour recréer des espaces de respiration mentale. « Je me souvenais de l’époque AOL : tu étais en ligne ou hors ligne. Depuis le smartphone, il n’y a plus de frontière. »
Une technologie qui ne capte pas votre attention, elle vous la rend
Le Light Phone V1, lancé sur Kickstarter, est d’une radicalité folle : neuf numéros préenregistrés, aucun écran couleur, aucune notification. Juste un téléphone. Le but ? Permettre aux utilisateurs de partir léger le temps d’un dîner, d’un week-end, d’un moment à eux.
L’enthousiasme est immédiat. Certains adoptent le Light Phone comme un “abonnement à la paix intérieure”, d’autres remplacent leur smartphone pour de bon. L’équipe développe alors une version 2, avec un écran e-ink et quelques fonctions essentielles (agenda, GPS, musique, notes vocales). Un OS minimaliste naît, pensé comme une alternative durable au smartphone omniprésent.
Light Phone 3 : la maturité d’un projet anti-distraction
Avec la sortie prochaine du Light Phone 3, la mission s’affine. Ce modèle, plus grand, mieux fini, équipé d’un appareil photo et d’un écran OLED, vise un public encore plus large : parents, artistes, minimalistes, ex-dépendants à l’iPhone. La promesse reste intacte : aucune application sociale, aucun tracking, aucune pub. Juste des outils utiles, pensés pour ne pas déraper en addictions numériques.
Un design né du skate, de l’art, et du refus de la norme
Tout au long de l’interview, Joe Hollier parle aussi d’autre chose : sa vie en dehors des écrans. L’art, la marche, la création sans but productif, les routines personnelles comme des refuges mentaux. Et ce lien fondateur avec la culture skate : l’envie de faire par soi-même, sans permission, sans demander l’autorisation de construire une rampe ou de créer une marque. Le Light Phone est une extension naturelle de cette philosophie.
Une question culturelle, pas seulement technique
Joe ne cache pas ses doutes sur l’évolution du web grand public : des outils brillants détournés par des logiques de profit, des réseaux conçus pour capter l’attention plus que pour nourrir les liens. Mais il reste optimiste. « Le Light Phone n’existerait pas sans Internet. Kickstarter nous a permis de prouver qu’il y avait une demande. »
C’est peut-être là que réside l’essentiel : utiliser la technologie pour créer autre chose. Pas un monde sans numérique, mais un monde où le numérique cesse d’être toxique par défaut. Et où un téléphone ne sert pas à tout… juste à l’essentiel.
➡️ En savoir plus sur le Light Phone 3
🎧 Écouter l’interview complète (en anglais)